Pour Lakévio
André Kohn
Jeu des Papous
1) Commencez impérativement votre texte par la phrase suivante : "Ça a débuté comme ça." (emprunt à Louis-Ferdinand, qui voyage au bout de la nuit.)
2) Terminez impérativement votre texte par la phrase suivante : "En fait, Madame Polant déléguée par la famille avait seule suivi le corbillard." (emprunt à Maurice des Grandes familles.)
Entre les deux, casez ce que vous voulez !
"ça a débuté comme ça" ..
Paul était né et avait vécu toute sa vie dans la ferme familiale.
Une ferme perdue au milieu de nulle part là-haut
sur le plateau balayé par les vents.
Seul avec ses parents,
tout entier occupé par les travaux des champs,il en avait oublié
l'insouciance et les rires de la jeunesse,
il en avait oublié de s'amuser, de "fréquenter" des filles,
il en avait même oublié de se marier !
Il avait passé les cinquante ans
quand son père était décédé, suivi de peu par sa mère.
Paul n'était pas malheureux,
se contentant de ce qu'il avait toujours connu,
la solitude ne lui pesait pas.
La seule fantaisie qu'il s'accordait désormais était celle de
regarder la télé pendant les longues soirées.
C'est ainsi qu'il s'était mis à apprécier une émission présentant
des agriculteurs en quête d'amour.
Il s'était pris à rêver,
découvrant soudainement tout ce qui lui manquait et avait
même fini par se dire "pourquoi pas moi"?
Un jour, il avait sauté le pas,
s'était inscrit, avait été sélectionné et avait accueilli à la ferme
deux jeunes dames disant adorer la vie à la campagne !
Je vous fais grâce des détails ...
L'une d'elles,Juanita, était faite pour lui, il en était certain,
il faut dire que la belle avait de sérieux atouts physiques
et que Paul était frustré depuis si longtemps ....
Mais Juanita voulait des preuves d'amour,
des preuves sonnantes et trébuchantes !
Paul ne demandait qu'à la satisfaire mais, de cadeaux en sorties,
l'argent si durement acquis filait vite ..
Malgré les mises en garde de ses oncles et tantes,
un jour il avait proposé le mariage,
Sa belle avait alors réclamé un beau solitaire ...
Ce jour là,
Paul était descendu seul en ville,
il avait regardé les vitrines des bijoutiers,
était entré pour demander les prix.
Le prix de celui qu'il convoitait l'avait laissé bouche bée,
il avait alors subitement et brutalement compris que
jamais il ne pourrait l'acheter et que
Juanita ne serait pas à lui.
Tout s'était embrouillé dans sa tête,
il s'était mis à transpirer à grosses gouttes et
s'était écroulé ...
victime d'un arrêt cardiaque ..
Prévenue, Juanita s'était enfuie immédiatement ...
Oncles et tantes s'étaient répandus en reproches,
déclarant à qui voulait bien l'entendre qu'ils avaient pourtant
bien averti ce grand benêt de Paul,
que maintenant ils ne voulaient plus entendre parler de lui ...
Paul avait eu un un bien triste enterrement,
"Madame Polant déléguée par la famille avait seule suivi le corbillard" ...