Pour Lakévio
Pour vous parler de mon amie d'enfance,
je vais commencer par vous rappeler ce que j'écrivais là
"Là, j'ai vécu là des moments précieux.....
des moments que je ne voudrais pas revivre pour tout l'or du monde....
des moments de profonde tristesse.
J'y ai appris la solitude.......petite fille unique..... j'étais en plus la fille de la maîtresse,
celle qui "rapporte" forcément, donc j'étais tenue à l'écart......."
et là aussi
"J'étais une petite fille à la campagne,
c'était l'été, les grandes vacances et moi, la fille unique, solitaire par définition,
j'avais la permission d'accompagner chaque après midi Monique,
celle qui fut la seule amie de mes jeunes années !
Ses parents étaient paysans,
il était hors de question pour eux qu'elle ne fasse rien durant deux mois !
Elle allait donc chaque jour "garder les vaches" !
C'était une véritable joie pour moi de l'accompagner !
Un bâton à la main
pour guider quand il le fallait la Marcade, la Barade, la Noiraude ou la Marguerite,
une tranche de pain accompagnée d'une barre de chocolat
dans un sac pour le goûter,
l'après midi s'annonçait heureuse !
Nous emportions des foulards, des "petas" autant que nous pouvions en récupérer ..
Arrivées au pré, nous investissions un muret et à nous la déco !!
Nos tissus déployés
se transformaient en splendides tentures, en tapis luxueux,
les pâquerettes, boutons d'or, fleurs de trèfle
devenaient bouquets extraordinaires,
quelques branches d'arbre pour fermer la porte de notre royaume ....
et par la grâce de la magie,
nous devenions grandes dames, nous nous rendions visite,
prenions un repas en commun ..
- oh la saveur du chocolat un peu fondu par la chaleur du soleil -
Le bonheur !
tout simple mais si plein, si pur, si serein, si enivrant !
les rêves qui s'envolaient, l'avenir qu'on dessinait heureux !
Deux petites filles au milieu des prés et des fleurs
qui ne s'ennuyaient jamais,
qui ne voyaient pas passer les heures !
Et bien, voyez vous,
je me dis encore aujourd'hui que ces après midis là
valaient leur pesant d'or !"
Puis les années ont filé, jeunes filles nous sommes devenues ...
Si nos études nous séparaient, nous étions toujours heureuses de nous retrouver
lors des week end et des vacances
nous avions tant à nous raconter, nous avions tant à rêver ...
Nous avons partagé nos premiers émois amoureux,
nos premières amours, nos doutes, nos craintes, nos réactions ...
Est venu le temps du travail
puis celui des grandes décisions .... je me suis mariée à vingt ans, en 1966,
Monique un an après ....
Très vite nos relations ont changé,
je n'aimais pas du tout son mari, autoritaire, vulgaire et égoïste ...
Nous avons, l'une comme l'autre, tenté de préserver notre amitié mais
c'était devenu bien difficile et nous avons petit à petit espacé nos rencontres,
elles se sont réduites comme peau de chagrin ..
Monique a fini par divorcer, a changé de travail, puis a quitté le département !
Nous avons brièvement repris contact lorsqu'elle a eu son premier enfant,
j'ai éprouvé une sentation bizarre et j'ai malheureusement
écouté de mauvais conseils ......
A partir de là, nous n'avons plus essayé de nous retrouver, nous avons continué notre route
chacune de notre côté ...
Je me suis laissée accaparer par ma famille, mon travail,
je la savais heureuse avec son deuxième mari
je ne pensais plus à elle que comme un doux et tendre souvenir d'enfance ...
Bien des années plus tard, j'ai appris, par hasard,
qu'elle était gravement malade .... une maladie orpheline .... qu'elle allait de plus en plus mal ...
Je n'ai toujours pas cherché à la revoir ....
puis il y a deux ans, sa soeur qui habite non loin de chez moi s'est arrêtée ...
elle venait m'annoncer que Monique était morte ....
Coup de massue pour moi, tous les souvenirs qui refont surface ...
Honte également de la manière dont je m'étais comportée tout au long de ces années ...
Des regrets plein la tête et plein le coeur ...
Peine profonde et prise de conscience ..... pourquoi l'ai je laissée partir comme ça ,
sans lui avoir dit encore une fois combien elle m'avait été précieuse,
combien de caps difficiles elle m'avait aidée à franchir,
combien je l'aimais ....
Ces regrets ne me quitteront jamais, le simple fait d'écrire ces mots
me bouleverse totalement ....
J'espère qu'elle a trouvé la paix qu'elle méritait ...
Noël 1963 Monique à droite, moi à gauche
Monique à gauche, moi à droite